18 septembre 2024 à 16h31 par Johan Gesrel
Vendanges 2024 : un tiers du vignoble de Cahors pourrait disparaître d'ici 5 ans
Cette année, les coups de sécateurs seront moins nombreux dans le vignoble de Cahors (Lot). La faute au gel du printemps et aux maladies. Sauf que les années se suivent et commencent un peu trop à se ressembler.
Benjamin Gayraud gère avec sa sœur Lise le Château Lamartine à Soturac, un domaine de 37,5 hectares certifié Agriculture Biologique. Ce lundi 16 septembre, il a vendangé les premiers chardonnay pour les vins blancs en attendant les rouges dans plus de deux semaines. Le constat est plutôt amer même s'il s'estime plus chanceux que ses collègues de la vallée :
"Mi-avril le thermomètre est monté à 30°C, la semaine d'après il a gelé. En mai on a fait le yoyo entre 15 et 25°C avec beaucoup de pluies. Donc arrivé sur la floraison en juin on peut considérer que le végétal a une mémoire. Derrière on a eu une mauvaise fécondation. Les raisins ont une taille normale mais plus petits par rapport à un millésime classique. Cette année on peut espérer une petite demie récolte."
"On parle de faire disparaître le merlot"
Face aux aléas climatiques émerge l’idée de modifier le cahier des charges des appellations avec des cépages plus résistants. Benjamin Gayraud se dit plutôt réservé :
"On a la chance d'avoir de vieilles vignes bien enracinées avec un sol riche en matière organique. En 2022 on parlait tous de sécheresse et d'arroser nos parcelles. Nous nos vignes sont restées vertes jusqu'aux vendanges avec un rendement correct. Je pense que la clé c'est d'avoir des sols vivants, surtout en agriculture biologique. Il ne faut pas oublier que le cépage malbec est implanté historiquement. Sur certains millésimes on avait autrefois des tanins astringents car il avait du mal à mûrir. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on avait planté du merlot en complément. Aujourd'hui, entre vignerons on parle plutôt de faire disparaître le merlot car il est de plus en plus contraignant. C'est un cépage qui n'aime pas les excès d'eau et de chaleur. Il n'est sans doute plus adapté en 2024."
"Le paysage va changer d'ici cinq ans"
Face aux difficultés qui s'accumulent, plusieurs vignerons envisagent aujourd'hui d'arracher leurs vignes. Eric Filipiak est œnologue conseil pour plusieurs dizaines de domaines à Cahors mais aussi à Gaillac et en Aveyron :
"Je travaille depuis 37 ans avec les vignerons de Cahors. On voit un découragement après plusieurs années compliquées. Il faut y ajouter la consommation de vin qui est dramatiquement en baisse. Pour soutenir la filière, j'invite vos auditeurs à boire du vin, du bon et avec modération bien sûr ! (...) Tout est à revoir. Le paysage va changer d'ici cinq ans. Aujourd'hui l'appellation Cahors compte 4200 hectares, entre 3200 et 3500 de revendiquées. Si je fais une extrapolation sur cinq ans à mon avis il restera 2500 hectares de Cahors."