2 octobre 2024 à 19h50 par Johan Gesrel

Nuit du droit à Montauban : le bâtonnier répond à vos questions

C’est l’occasion de poser toutes vos questions sur la justice : la Nuit du Droit revient ce soir en France. Pour l’occasion, beaucoup de tribunaux ouvrent leur portes pour répondre aux citoyens. Alexandre Delord, bâtonnier à l'ordre des avocats de Montauban s'est prêté au jeu des questions-réponses pour TOTEM.

Me Alexandre Delord, bâtonnier à l'ordre des avocats de Tarn-et-Garonne.
Me Alexandre Delord, bâtonnier à l'ordre des avocats de Tarn-et-Garonne.
Crédit : Johan GESREL

La justice, on en parle beaucoup en ce moment après le meurtre et le viol de la jeune Philippine et les déclarations du nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur l’État de droit et le supposé laxisme des juges. Pour tenter d’y voir plus clair, les tribunaux ouvrent ce soir leurs portes un peu partout en France. C’est ce qu’on appelle la Nuit du Droit. L’occasion de poser des questions à des juges, des avocats et des personnels de justice. Alexandre Delord est bâtonnier, autrement dit il est représente les avocats du barreau du Tarn-et-Garonne. Nous lui avons posé une série de questions qui reviennent souvent dans la bouche des citoyens.

A quoi ça sert un avocat ?

La mission de l'avocat, elle est assez simple, c'est de défendre les intérêts de tous les justiciables devant les tribunaux. Mais aussi d'assurer la défense des intérêts de tous, même en dehors des tribunaux. L'avocat ne fait pas que plaider, il fait aussi du conseil, donc le rôle de l'avocat, c'est d'accompagner tout citoyen qui a besoin de démarches juridiques. 

L'avocat est-il obligatoire ou est-ce qu'on peut se défendre seul ?

Cela dépend des procédures. Pour les procédures les plus complexes la loi prévoit le recours obligatoire d'un avocat. C'est ce qu'on appelle le ministère d'avocats obligatoires. Pour les procédures dites plus simples on peut se défendre sans le concours d'un avocat, mais c'est un peu un piège car si dans un dossier une des parties est assistée par un avocat et l'autre fait le choix de ne pas être accompagné, il y a factuellement un déséquilibre.

Est-ce que c'est cher de prendre un avocat ?

Honnêtement, oui, c'est cher parce que les cabinets d'avocats sont souvent des entreprises individuelles ou des sociétés avec des coûts et des charges de fonctionnement qui sont très importants. Ceci étant, l'honoraire de l'avocat doit tenir compte de la situation de fortune du client notamment. On tient aussi compte de l'enjeu du litige. Pour les plus démunis, il existe surtout l'aide juridictionnelle qui permet d'avoir accès à l'avocat avec une prise en charge de la rémunération ou plutôt de la rétribution par l'État. Donc un avocat comme moi par exemple accepte de traiter des dossiers au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Enfin, il y a une possibilité, c'est aussi de bénéficier d'une assurance protection juridique. Elle garantit la prise en charge des honoraires de l'avocat selon le barème qui est convenu avec son propre assureur. 

Si on ne connait rien à la justice, est-ce que vous accompagnez vos clients ?

Alors on les prépare à toutes les étapes parce que ça fait partie de notre obligation de conseil et d'information. Ensuite, en pratique, il faut quand même penser que c'est le client qui reste maître de son propre dossier. Moi je m'attache à les recevoir aussi souvent qu'ils le souhaitent. J'essaye de répondre systématiquement aux questions qu'ils se posent parce que je comprends que le monde judiciaire est un monde un peu nébuleux. Les règles légales et la loi sont à la fois nombreuses et complexes. D'où ce besoin d'accompagnement. 

On parle d'un monde de plus en plus procédurier. Est-ce que vous êtes davantage sollicité ?

Oui, c'est vrai. J'ai commencé à exercer il y a plus de 23 ans et on sent une inflation des procédures qui n'existaient pas il y a quelques années. Je ne saurais pas l'expliquer mais incontestablement le recours aux tribunaux est de plus en plus important aujourd'hui. 

Le temps de la justice est souvent long. Faut-il être patient ?

C'est plus que de la patience dont il faut faire preuve. C'est la problématique d'aujourd'hui. Tout le monde sait que la justice n'a pas de moyens ou très peu ou pas assez. Et donc effectivement les délais qui étaient déjà longs il y a quelques temps sont en train de se rallonger considérablement et anormalement. En même temps, il est impératif que les tribunaux ne se précipitent pas à rendre une décision de justice. Malheureusement on est dans une situation où les juges sont confrontés à un défaut de moyens qui fait qu'ils sont submergés par le contentieux et qu'ils ont du mal à tout absorber. Notre rôle, c'est de l'expliquer aux justiciables et c'est aussi notre rôle de faire entendre aux politiques qui décident des choix budgétaires que la justice, c'est quand même un des pouvoirs régaliens les plus importants. Aujourd'hui les moyens ne sont pas à la hauteur des attentes et des droits légitimes de tous les citoyens. 

Est-ce qu'il reste des clichés sur la justice comme le marteau du juge qu'on voit dans les séries américaines ?

Oui ça c'est un peu le cliché, mais effectivement notre rôle c'est aussi d'informer nos clients sur les codes qui existent dans une enceinte judiciaire. Souvent on constate que les gens sont un peu déformés par les fictions à la télé. On a des justiciables qui s'adressent aux juges en les appelant "votre honneur" au lieu de "Monsieur ou Madame le Président". On a des justiciables qui s'attendent à ce qu'on dise "objection" comme dans les séries américaines, alors qu'en fait la procédure française est complètement différente de ce qu'on peut voir dans les fictions. Donc il y a ce décalage qu'il faut leur expliquer. En droit français et dans les audiences, chacun parle à son tour, on ne se coupe pas la parole, sauf incident. Et c'est effectivement des codes qu'il faut que le justiciable appréhende facilement avant d'y etre confronté.

Comment je fais pour m'adresser à un avocat ?

Alors il y a plusieurs possibilités. La plus basique, c'est Internet de taper "avocat" et le lieu de la ville et de voir les occurences. Sinon, souvent c'est quand même le bouche à oreille et la réputation de l'avocat qui vous aide. Dans la dernière extrémité, c'est de contacter l'ordre des avocats qui ne va pas donner le nom d'un avocat spécifiquement mais qui va communiquer la liste des avocats du barreau. Et le libre choix de l'avocat reste toujours aux aux clients. Il n'appartient pas à l'ordre de désigner expressément un avocat.